Les premières années de l’Ecole normale de Mirecourt (1828-1836)

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Par Christian Euriat

Article paru dans les Actes des Journées d'Etudes Vosgiennes 2012
Mirecourt, une ville et ses métiers [Notice, sommaire et possibilité d'achat en ligne sur le site de Fédération des Sociétés Savantes des Vosges]

Au-delà de l’intérêt que présente en elle-même l’histoire de la création de cette école normale pour la ville de Mirecourt et le département des Vosges, il se trouve que la chronologie lui confère une valeur particulière. Cette école normale appartient en effet au petit groupe d’établissements du même type créés sur la base d’une initiative largement locale quelques années avant ce que l’on pourrait appeler la normalisation des écoles normales par la réglementation de 1832 et la Loi Guizot de 1833. Elle est à ce titre représentative de ce moment de l’histoire de l’éducation en France où, selon la formule de Christian Nique, l’école est devenue une affaire d’État[i].

En-tête d'un prospectus de la préfecture diffusé dans les communes du département (1833)

 

La création de l'école normale

Le contexte national

Les Vosges peuvent se flatter d’avoir créé la quatrième école normale de France en 1828[ii], après celles du Bas-Rhin dès 1810 et celles de la Moselle et de la Meuse au début des années 1820[iii]. La Révolution n’avait pas été en mesure de concrétiser ses projets d’école pour le peuple. Plus soucieux d’encadrer ce dernier que de l’instruire, Napoléon avait porté ses efforts sur l’enseignement secondaire. La Restauration encourage sans l’imposer l’ouverture d’écoles modèles[iv] afin d’améliorer les piètres compétences des instituteurs du moment. Mais si, soulagés des contraintes du régime impérial, les libéraux avaient pu s’accommoder de Louis XVIII et jouir d’une certaine influence, l’évolution de la monarchie vers une politique de plus en plus réactionnaire et cléricale les amènera dans l’opposition, tandis que dans les milieux ultras favorables à Charles X, on se représente les potentielles écoles normales en pépinières de francs-maçons et de républicains. Le climat de la Restauration leur devient donc de plus en plus défavorable.
Cependant, en 1828, le très réactionnaire Villèle doit céder la place à Martignac, un libéral qui retire l’instruction au ministère des cultes au profit d’un ministère de l’instruction publique de plein exercice, confié à Vatimesnil. L’embellie ne dure que quelques mois mais favorise l’éclosion de onze écoles normales, dont celle des Vosges.
Le retour des ultras avec le ministère Polignac met un coup d’arrêt à cet élan qui ne pourra reprendre qu’après le changement de régime de 1830. Quand la loi Guizot imposera une école normale par département en 1833, quarante-huit de ces derniers en auront déjà une[v].
C’est dans cette période de la Restauration et du début de la Monarchie de juillet que, selon la formule de Christian Nique, l’école devint une affaire d’État[vi]. On sait que sous l’ancien régime, c’est l’Église catholique qui avait la responsabilité de l’école, et notamment des « petites écoles », autrement dit l’école primaire. Le clergé enseignait souvent lui-même, et à défaut, il contrôlait les instituteurs laïques. Après la mise à l’écart des congrégations par la Révolution, l’Empire avait plus ou moins discrètement délégué les petites écoles aux frères des écoles chrétiennes qui présentaient l’avantage d’un indiscutable savoir-faire[vii]. Sous la Restauration, les conditions politiques d’une reprise en main de l’école par l’Église semblent réunies. Mais en réalité, la pression de la Société pour l’instruction élémentaire[viii] et de ses sympathisants, des libéraux qui privilégient l’initiative privée en matière scolaire comme en matière économique, sera assez forte pour contrer les projets cléricaux. Elle ne le sera cependant pas assez pour triompher, et c’est l’État, avec Guizot[ix], qui tirera les marrons du feu au grand dam de ladite Société qui croyait pouvoir compter sur son appui, et aussi, dans une moindre mesure, de l’Église qui, voyant son monopole perdu, se convertissait alors miraculeusement à la défense de la liberté de l’enseignement[x].
Dans ce contexte, et comme leur nom le suggère, les écoles normales finissent par apparaître comme des outils capables de contribuer au maintien d’un ordre économique, social et politique qu’au-delà de leurs divergences, les libéraux conservateurs, l’État et même l’Église défendront ensemble face à la menace républicaine. On va former des instituteurs offrant toutes garanties sur les plans moral et religieux, pourvus d’une instruction solide, mais pas trop savante. Car il fallait éviter qu’un décalage trop grand entre l’étendue de leurs connaissances et la modicité de leurs revenus ne les entraînât vers le camp républicain. On leur donnera aussi pour la première fois une formation professionnelle, ou si l’on préfère, pédagogique, balançant entre deux modèles : le mode simultané et le mode mutuel.

 

La question des modes d’enseignement

Il convient de donner ici quelques éclaircissements sur ces modes d’enseignement. Le mode mutuel, importé du Royaume-Uni vers 1815, est une méthode très mécanique qui s’adresse à de gros effectifs d’élèves, de 100 à 150 en principe, divisés en petit groupes qui étudient séparément et successivement les différents contenus scolaires sous la houlette de moniteurs, en fait des élèves plus âgés ou plus avancés. Le maître n’enseigne pas lui-même, sauf parfois aux moniteurs. Il a la responsabilité de la conception et de la conduite de l’enseignement qu’il règle à coups de sifflet[xi] depuis son bureau. Réputée efficace et économique, la méthode aurait eu l’avantage aux yeux des libéraux de familiariser les enfants du peuple avec une approche de l’autorité fondée sur la compétence, assortie de promotions justifiées par le seul mérite. Inutile de dire qu’une telle insulte au principe théologique de l’autorité ne pouvait qu’irriter violemment les ultras qui dénoncèrent là de véritables écoles du diable, bien avant celles de Jules Ferry. Le conflit avec le modèle des frères des écoles chrétiennes, dit simultané, soit la classe telle qu’elle s’imposera par la suite, deviendra inévitable. Notons que l’unanimité se faisait pour condamner le vieux mode individuel, où le maître seul avec tous les élèves du village dans une salle sans mobilier adapté, les fait venir chacun à leur tour auprès de lui quelques minutes, les abandonnant le reste du temps à l’inactivité, au bavardage et au chahut. Pour autant, cette pratique a dû se maintenir assez longtemps, sans que l’on s’en vante, car les effectifs d’élèves de bien des écoles rurales ne facilitaient guère la division en classes d’âge selon le modèle simultané, ni l’organisation d’un enseignement mutuel conçu pour une centaine d’élèves. En dehors de situations urbaines comme à Épinal et justement à Mirecourt[xii], ou dans quelques bourgs et gros villages comme Darney, Charmes, voire Damas-aux-Bois ou Valfroicourt[xiii], on est en droit de se demander à quelle réalité se réfère la Société pour l’instruction élémentaire quand elle revendique en 1834 une trentaine d’écoles mutuelles dans les Vosges alors même que Boulay de la Meurthe, l’un de ses membres éminents, en comptait 39 en 1833 dans le seul arrondissement de Mirecourt[xiv].
Au bout du compte, l’enseignement mutuel n’aura été qu’un feu de paille dans l’histoire de la pédagogie française[xv]. En vogue au début de la Restauration, vivement combattu par les ultras, il reprend vigueur au début de la Monarchie de juillet. Mais alors, Guizot et son comparse Paul Lorain[xvi] le lâcheront au profit du mode simultané, au motif un peu controuvé de ce que le second n’aurait été qu’une adaptation du premier aux conditions réelles de l’enseignement.

 

Le choix de Mirecourt

Il n’en reste pas moins qu’en 1828, l’école communale de Mirecourt fonctionne sur le mode mutuel. C’est une « école modèle » dirigée par Perney, un maître réputé qui tient pension pour les instituteurs désireux de s’initier à la méthode mutuelle ou de s’y perfectionner. On vient donc à Mirecourt pour y apprendre à enseigner avant même la création de l’école normale, comme à Épinal où Cerquand, un autre instituteur mutuel, offre le même service. On peut noter que ces deux maîtres recevront les premières médailles attribuées à des instituteurs par la Société d’émulation en 1828 lors d’une cérémonie où le vice-président Crassous fait l’éloge de la méthode mutuelle[xvii].
Finalement, c’est tout le département des Vosges qui jouit vers 1820/40 d’une excellente réputation scolaire. Avec une école communale, une école de filles tenue par des religieuses, deux ou trois écoles libres[xviii], un collège, une école d’adultes et un ouvroir pour les jeunes filles, Mirecourt en est le plus beau fleuron, connu et reconnu bien au-delà des limites de la Lorraine.
Il n’est donc pas surprenant que le conseil général des Vosges ait profité de la fenêtre ouverte par le ministère Martignac pour voter la création d’une école normale le 17 septembre 1828, comme la loi le lui suggérait depuis l’ordonnance de 1816, et que Mirecourt ait été choisi. A ce sujet, il est banal d’entendre que la dévolution de l’école normale à cet ancien chef-lieu de bailliage aurait constitué une compensation au choix d’Épinal comme préfecture. Pourquoi pas, mais il semblerait que rien ne l’atteste formellement. Et l’on comprendra plus loin que l’extrême modestie de l’établissement à ses débuts n’en fait qu’un bien maigre lot de consolation en regard d’une préfecture. L’initiative et la conviction des mirecurtiens semblent bien davantage avoir été déterminantes. Il existe malheureusement une lacune dans les archives municipales au moment des faits qui nous intéressent. Et la délibération du conseil général ne donne pas de précisions. Du coup, il n’est pas possible en l’état de nos connaissances d’établir avec certitude que la municipalité de Mirecourt ait été strictement à l’origine du projet. Il ne fait néanmoins aucun doute que la ville en a été le moteur essentiel par l’action de quelques uns de ses plus éminents représentants.
En effet, dès octobre 1828, donc sous le ministère Martignac, un groupe de personnalités municipales de Mirecourt décide de fonder une « Société pour l’instruction primaire de Mirecourt ». Déjà membres correspondants de la Société pour l’instruction élémentaire de Paris dont on connaît l’inspiration libérale, Orelle, Cornebois et Lhôte[xix] en rédigent les statuts avec 18 autres notables[xx] dont quelques-uns appartiennent à la Société d’émulation du département. Malgré l’opposition du recteur qui redoute les interférences avec le Comité d’arrondissement, et grâce à l’appui du préfet, le dossier est reçu favorablement par le ministre Vatimesnil. Mais l’arrivée de Polignac en août 1829 torpille le projet et la Société ne recevra son approbation royale qu’en mars 1832, toujours contre l’avis du recteur et de nouveau grâce au préfet[xxi]. A cette date la Société comptera 72 membres[xxii] dont le duc d’Orléans[xxiii], le duc de Choiseul qui avait ouvert la première école mutuelle des Vosges en 1817 à Houécourt, le préfet, un ex-préfet[xxiv], le sous-préfet, des députés, des maires, et d’autres notables de Mirecourt, Charmes, Dompaire… Les précisions chronologiques ont leur importance ici dans la mesure où elles affaiblissent l’hypothèse d’une intervention ès qualités de ladite Société de Mirecourt en faveur de l’école normale dès 1828, puisqu’elle n’avait pas encore d’existence légale[xxv]. D’autre part, le but de la Société est certes d’améliorer la qualité de l’enseignement primaire dans l’arrondissement, mais d’abord en y promouvant le mode mutuel. Or, rien ne lui garantit que ce mode serait enseigné dans une école normale dont le contrôle reviendrait à l’autorité publique, et donc échapperait au sien et à l’initiative privée si chère aux libéraux. Elle préfère sans doute offrir des bourses à des instituteurs en poste pour des stages à l’école mutuelle modèle tenue par Perney[xxvi]. Certes le zèle qu’elle déploiera plus tard pour le maintien de l’école normale à Mirecourt témoigne-il de son attachement à cet établissement[xxvii]. Il demeure néanmoins difficile de savoir si ses membres agissent plus ou moins en promoteurs de l’instruction primaire, en partisans de la méthode mutuelle, ou tout simplement en défenseurs de Mirecourt. La question du rôle de cette Société dans la création de l’école normale se révèle finalement bien délicate, surtout si l’on observe que Collard (de Martigny) n’en fait pas mention, alors qu’il n’oublie pas de rappeler son intervention lors des menaces de transfert à Épinal qui surviendront un peu plus tard. Il semble donc raisonnable de s’en tenir à l’idée que c’est plutôt l’entregent personnel des notables engagés, certes membres de la Société, et tout particulièrement celui du duc de Choiseul, qui a joué un rôle déterminant dans le choix de la localisation de cette école normale à Mirecourt.

 

Des débuts modestes

Le bâtiment et les conditions matérielles

Il est un point sur lequel les archives permettent d’avancer plus sereinement. On dispose d’un courrier du recteur Soulacroix[xxviii] au maire qui aborde très concrètement les raisons du choix de Mirecourt. Pour ce responsable de l’académie de Nancy, le collège de Mirecourt a bien besoin d’être requinqué. Créé en 1825 sur les ruines d’une assez misérable « école de latinité », il est accueilli à titre gracieux par la ville dans une ancienne propriété religieuse devenue bien national à la Révolution et récupérée par la municipalité. Ses effectifs sont anémiques[xxix]. Il dispose de cinq enseignants, soit quatre régents et un principal, Forfillier, qui ne cesse de pleurnicher sur sa situation financière[xxx], car le pensionnat n’est alors qu’une petite hôtellerie privée qui perd de l’argent. Le recteur estime que l’installation d’une « classe normale » dédiée à la formation des instituteurs conduirait à presque doubler l’effectif du collège. On table en effet  sur une vingtaine d’inscriptions. L’analyse du recteur est partagée par le maire de Mirecourt. Elle est aussi bien reçue par Forfillier qui fait une querelle à Perney pour s’assurer la gestion du pensionnat qu’il lui aurait gracieusement abandonnée tant qu’elle n’était pas rentable[xxxi]. L’enthousiasme local fut cependant tempéré par le choix du recteur de réaliser l’opération sans création de poste. Certains professeurs du collège enseigneront dans la classe normale et le principal dirigera l’ensemble de l’établissement, avec un petit supplément de traitement et la gestion d’un pensionnat désormais lucratif.

 
Le bâtiment du collège  de Mirecourt surélevé en 1912

 
En toute rigueur, il n’existe donc pas d’école normale à Mirecourt en 1829, mais une classe spéciale du collège. L’en-tête des bordereaux de présence de 1829 porte « Université de France – Académie de Nancy – Classe normale primaire de Mirecourt[xxxii] ». L’usage viendra cependant très vite d’y voir un établissement à part entière hébergé par le collège : si le premier règlement, les états de présence de 1829 et une facture de 1830 concernent la classe normale du collège, dès l’année suivante, tous les courriers et tous les documents comptables ou administratifs utilisent la dénomination d’école normale. Un peu lent à réagir, le spinalien Charton la mentionnera dans son Annuaire des Vosges en 1833[xxxiii]. Elle restera dans le collège jusqu’à l’installation dans ses propres murs en 1864.
L’école normale y dispose en propre d’une salle de classe et d’une sorte de débarras, ainsi que d’un dortoir. La cuisine, le réfectoire et l’infirmerie sont communs. Nous n’avons malheureusement pas retrouvé de plan du bâtiment datant des premières années. Le mobilier appartient principalement à la ville de Mirecourt, comme l’atteste un inventaire de 1832[xxxiv]. Toutefois, il semblerait qu’il fasse l’objet d’une attribution assez stricte à chacun des établissements et même d’acquisitions séparées sur subventions spécifiques. On trouve par exemple une facture de 110 F adressée à l’école normale en 1832[xxxv] pour l’aménagement d’une bibliothèque et d’une armoire pour les instruments de physique par un artisan luthier qui ne dédaignait donc pas quelques à-côtés de menuiserie. Or, cette dépense apparaît dans le détail d’un justificatif d’utilisation d’une subvention ministérielle[xxxvi] principalement destinée à l’achat de livres et d’instruments de physique[xxxvii].
Dans sa précision tatillonne, un inventaire de 1830 témoigne de la modestie des équipements. « Dans la salle de l’étage prenant jour sur la rue », l’école normale possède « un tableau en chêne pour les mathématiques[xxxviii] avec un bois à trois branches pour le soutenir. Deux tables en sapin avec un banc, une autre petite table à tiroirs fermant à clef, une chaise en paille. » Les deux établissements se partagent dans la même salle « six tables en sapin avec six bancs, une autre table partie en sapin, partie en chêne, et un tabouret », le professeur jouissant d’« petite table à tiroirs fermant à clef, et d’une chaise en paille ». Mais c’est le collège qui possède « trois petites tables en sapin avec trois bancs aussi en sapin » ainsi qu’« une vieille chaise en paille ». Trois autres salles désignées par les noms des professeurs qui y exercent, pour le collège ou pour l’école normale, sont meublées de la même façon. Du côté du réfectoire, l’école normale dispose de « deux grandes tables à manger recouvertes en toile cirée avec quatre bancs en sapin, le tout neuf, une de ces tables étant à pieds et l’autre à deux tréteaux ». On se partage le mobilier de l’infirmerie et de la lingerie. Dans les dortoirs, l’école normale a « dix-huit bois de lit neufs » et un autre plus large destiné au maître d’études. Remarquons au passage que les élèves fournissent leur couchage, sommier et matelas compris. C’est le collège qui possède cinq fourneaux en fonte avec leurs corps et leurs pierres. L’inventaire ne sait pas si « un bloc pour couper le pain […] appartient au principal ou à l’école » mais il ne fait aucun doute que « toutes les sonnettes et la cloche appartiennent au collège »[xxxix]. On aura compris que la situation matérielle n’est pas des plus limpides, or, ce n’est là qu’une facette d’un ensemble qui ne l’est pas davantage.

 

Une situation administrative et financière compliquée

Le principal du collège cumule ce poste avec celui de directeur de l’école normale[xl]. A ce double titre, il rend des comptes au recteur de l’académie de Nancy qui dépend de l’État, lequel rémunère les enseignants du collège, mais pas Perney, le directeur de l’école communale payé par la ville. Celui-ci remplit pourtant les fonctions de sous-directeur de l’école normale et assure l’enseignement de la pratique ainsi que l’accueil des élèves-maîtres dans sa classe modèle, tâches pour lesquelles il perçoit une rémunération complémentaire du département. Au passage, on se souviendra qu’il est adepte de la méthode mutuelle, radicalement différente de celle en usage au collège. On peut se demander dans quelle mesure des divergences de conceptions pédagogiques n’ont pas contribué à envenimer les relations entre cette forte personnalité[xli] et le principal du collège, directeur de la classe normale, en plus des conflits d’intérêt liés à l’hébergement des élèves-maîtres et des instituteurs en stage. A en croire Forfillier[xlii], l’animosité de Perney à l’égard du collège aurait mis en péril d’existence même de la classe normale qu’il suggéra de transférer avec lui à Épinal, où il aurait amélioré sa situation financière en assurant également l’enseignement de la seconde du collège[xliii]. Forts de leurs appuis habituels, les gens de Mirecourt firent échec au projet[xliv], mais les élèves-maîtres ne furent plus autorisés à fréquenter l’école communale.
Une anecdote assez pittoresque rend compte de l’ambiance : le 6 janvier 1830, le bureau d’administration du collège instruit le cas de l’élève-maître Mazurier[xlv], convaincu d’avoir incité ses camarades à se plaindre par écrit de Lallemand, maître de chant, visant ainsi Forfillier par la bande. Ce qui est amusant, c’est que l’on discerne alors un style « plus correct, plus élevé et plus pur » qu’à son habitude dans une rédaction de la plainte produite par le rebelle juste après une rencontre « clandestine » avec Perney. Le bureau se sent obligé de croire que le mauvais sujet cherchait à compromettre l’insoupçonnable directeur de l’école communale. Mais il serait étonnant que l’on eut été dupe. L’élève fut mis à la porte. Très apprécié comme directeur d’école, Perney resta. Le triste Forfillier s’en alla. Quelques années plus tard, Perney bénéficiait d’une promotion au grade de sous-inspecteur, non sans avoir trouvé le temps de se brouiller avec le deuxième directeur de l’école normale.
Bien que le règlement de 1829 ne consacre pas moins de 21 articles sur 98[xlvi] à la « gestion économique », les occasions de se fâcher pour des questions d’argent ne manquent pas. Initialement, les recettes ordinaires de la classe normale sont constituées d’une douzaine de demi-bourses de 150 F[xlvii] du département, une demi-bourse de la commune, une à trois autres de l’académie. Il faut y ajouter le solde des pensions des demi-boursiers et le montant des pensions de la douzaine d’élèves non-boursiers versés par les familles, soit environ trois fois le montant des demi-bourses. « Ces recettes devront suffire aux traitements, à la nourriture, au chauffage, à l’éclairage, à la fourniture des livres, du papier, etc., à l’entretien du mobilier, aux réparations locatives et à tous les frais autres que celui du premier établissement » (art. 76).
Le directeur gère ces fonds en propre. Il passe les marchés et fait établir les factures à son nom. Il manipule de l’argent liquide obtenu du receveur général ou municipal sur présentation de mandats du conseil général ou de la municipalité. Bien sûr, il fait l’objet d’un contrôle strict, vérifications des comptes et inventaires réguliers, par une commission de surveillance où siègent le maire, des représentants de la municipalité, le curé de la paroisse et quelques notables nommés par le préfet et le recteur. Cette commission contresigne les pièces comptables et transmet ses observations au préfet via le sous-préfet avec copie au recteur[xlviii]. La composition de cette commission montre que si l’influence locale et même privée peut encore s’exercer sur l’école, la tutelle de l’État tend à se renforcer. Rappelons que les maires sont alors nommés par le préfet ou par le roi[xlix] et que les curés sont payés par l’État[l].
Bien entendu, les recettes ordinaires ne suffisent jamais. On sait que l’école normale est hébergée gracieusement dans le collège par la ville de Mirecourt qui ne facture pas le chauffage ni l’entretien avant 1835. Le conseil municipal estime donc mériter un droit de regard sur la gestion. En plus des crédits ordinaires constitués par les bourses, le conseil général accorde des subventions exceptionnelles de plusieurs centaines de francs, souvent a posteriori pour des travaux imprévus par exemple, ou des achats de mobilier. L’État, très peu présent au début, apportera rapidement un financement important par versements de 1800 à 2000 F, via l’académie ou la préfecture, comme nous l’avons vu plus haut à propos d’une bibliothèque. Le fait que ces crédits ne soient pas toujours affectés donnera lieu à quelques échanges épistolaires tendus entre le préfet, le recteur, le maire et le directeur, sur la question de leur utilisation finale : matériel, livres, équipement, voire fonctionnement ?
D’une façon générale, la correspondance administrative[li] révèle de nombreux conflits d’autorité, certes plutôt mineurs et vite résolus, mais révélateurs de l’immaturité institutionnelle de l’établissement. Il faudra attendre la réglementation nationale de 1832 et surtout la loi de 1833 pour que le préfet impose la mise au point suivante : « Je dois faire remarquer ici que l’école normale n’est point un établissement comme un collège ou une institution particulière, géré et administré par une commission dans l’intérêt d’une ville ou d’un individu, mais bien un établissement public, créé par la loi, et administré par l’État, et que les mesures prises ne peuvent qu’être conformes aux instructions émanées de l’autorité supérieure »[lii]. Au-delà de cette année 1833, apparaissent des budgets[liii] formalisés avec recettes et dépenses, origine et destination des unes et des autres, et validation hiérarchique complète, de la commission locale au ministre de l’instruction publique en passant par le préfet et le recteur. La préfecture peut diffuser un imprimé de quatre pages[liv] présentant clairement l’établissement, les études, et les conditions d’admission. Rappelons à ce propos que la loi prévoit un engagement décennal dans l’enseignement et l’exemption du service militaire.

 
Commission de surveillance : signatures (Arch. dép. Vosges, 2T1, cliché C. Euriat)

 

Le fonctionnement

Les élèves et les professeurs

Les 12 premiers élèves boursiers du département ont intégré l’école entre le 13 mai et le 15 juin 1829[lv]. Leurs noms sont connus grâce aux états de présence trimestriels réclamés par la préfecture en vue du versement des bourses. Ils auraient eu une douzaine de condisciples non-boursiers dont nous n’avons pas retrouvé la liste[lvi]. Pour un état détaillé, il faut attendre un bordereau de 1834 qui recense 30 élèves, dont un boursier et deux demi-boursiers de l’État, 12 demi-boursiers du département, un de la ville de Mirecourt, 12 pensionnaires libres, et deux externes[lvii]. Ces effectifs se maintiendront à peu près pendant plusieurs décennies. L’origine géographique des élèves des premières années se répartit sur tout le département[lviii]. Elle est surtout rurale. Nous ne connaissons pas les situations économiques et professionnelles de leurs familles, à ceci près que celles des non-boursiers sont en capacité de payer 300 F par an en 1829, un peu plus par la suite, et la moitié bien sûr pour les demi-boursiers. Certains élèves ayant près de 30 ans et exerçant déjà une activité d’enseignement subviennent peut-être à leur pension, mais nous n’en avons pas d’indice probant.
Le règlement prévoit des bourses et des demi-bourses « à la disposition du département » ainsi qu’« à la disposition des communes », mais sans en préciser le nombre qui dépendra probablement des disponibilités budgétaires annuelles, ni indiquer la faculté que pourrait avoir une commune d’imposer un candidat de son choix, dans la mesure où la bourse relèverait de son budget propre[lix]. C’est le préfet qui arrête la liste des boursiers du département sur proposition de l’autorité académique parmi les candidats âgés de 16 à 30 ans et munis d’un certificat de moralité du curé de leur paroisse. Après 1833, c’est un certificat du maire qui est exigé. C’est bien sûr l’académie qui attribue les bourses de l’État. Le recrutement devait se faire sur dossier, mais, dès la première année, le rectorat a organisé des épreuves de concours portant sur « l’histoire sainte, le catéchisme du diocèse, la lecture, l’écriture, l’orthographe, la théorie et la pratique du calcul décimal et autre calcul, le plain-chant et le dessin linéaire[lx] ».
Les élèves sont admis pour deux ans. A l’origine, ils peuvent quitter l’école avant le terme des études pour passer les brevets de capacité[lxi], et à vrai dire, les dates d’entrée et de sortie peuvent paraître assez fantaisistes à nos yeux. En imposant le cursus complet avant l’inscription aux épreuves des brevets, la loi de 1833 régularisera efficacement la durée des études. A partir de ce moment, les résultats obtenus à ces brevets par les élèves-maîtres de Mirecourt furent à la hauteur de l’excellente réputation scolaire de la ville.
Sans doute avaient-ils de bons professeurs. On sait que ceux-ci sont initialement des enseignants du collège, parmi lesquels le principal, bénéficiant de compléments de rémunération prévus par le règlement local de 1829[lxii] puis par le règlement national de 1832. La loi de 1833 permettra progressivement l’affectation de fonctionnaires sur des postes budgétaires départementaux spécifiques à l’école normale. Les traitements seront alors versés directement aux intéressés par mandats de la préfecture, parfois avec du retard[lxiii]. A titre indicatif, le directeur, qui enseigne plusieurs disciplines et assume quelques charges matérielles, perçoit 375 F par trimestre en 1834[lxiv]. Le professeur d’histoire-géographie et celui d’écriture, lecture et méthode touchent 100 F. Ceux de mathématiques et sciences, de dessin, et de musique et plain-chant, 75 F. Le vicaire de la paroisse arrondit son casuel avec 75 F pour l’instruction morale et religieuse[lxv]. En 1836, on demande au maître d’études, en fait le surveillant, d’assurer les cours de gymnastique pour 400 F annuels. Comme il n’y a pas d’école annexe au sens propre avant 1851, c’est le sous-directeur, qui n’est autre que Perney, le maître de l’école communale, qui assure la formation pratique et reçoit les élèves-maîtres dans sa classe quand il n’est pas fâché avec leur directeur[lxvi]. Après une période de flottement, et sans doute grâce aux talents diplomatiques du directeur Henrion, l’équipe d’enseignants trouva son rythme. Elle sera plus tard renforcée par un spécialiste d’agronomie, comme Androphile Lagrue[lxvii], un disciple de Mathieu de Dombasle, ou enrichie d’interventions professionnelles comme celles du substitut Bastien qui forme à la rédaction des actes d’état-civil[lxviii].

 

Les enseignements

Le contenu des enseignements est connu par le règlement de 1829, et ensuite par les programmes nationaux[lxix]. Il reste difficile de se représenter exactement en quoi consistait leur mise en œuvre. Il se trouve que nous avons la chance de disposer de factures de livres et de matériel scientifique[lxx]. Cela donnera à notre approche un point de vue un peu plus original, mais qui trouve ses limites. En effet, ces documents de 1832 et 33 nous renseignent davantage sur les ambitions des responsables que sur la réalité des lectures et des pratiques scientifiques des élèves. Et nous ne savons pas si d’autres ouvrages étaient disponibles, mais il ne reste en tout état de cause aucune trace de leur éventuelle acquisition. D’autre part, nous ignorons quel était l’accès des normaliens aux ressources du collège. Toutefois, l’existence d’un mobilier de rangement particulier à l’école normale donne à penser que l’on avait chacun ses affaires.
Pour ce qui concerne les livres, le fonds d’acquisition représente une centaine d’ouvrages. Nous avons pu reconstituer la plus grande partie des références complètes de ces ouvrages, et en connaître ainsi les auteurs et les dates de parution, sauf pour certains manuels anonymes. Nous nous sommes ensuite intéressés à leur répartition selon plusieurs critères. Il est frappant de remarquer le caractère récent de la plus grande partie des ouvrages plus des deux tiers ont été édités après 1800 ou à peine plus tôt. C’est bien sûr le cas des nombreux manuels pratiques et scientifiques mais aussi celui d’une grande partie des ouvrages professionnels[lxxi], dont certains noms d’auteurs comme Matter[lxxii] ou à plus forte raison Mme Guizot[lxxiii] signent la présence tutélaire du ministre, et sans doute aussi la conformité de la commande, assez partielle il est vrai, aux listes d’ouvrages recommandés.
Les titres plus anciens proviennent souvent du XVIIème siècle, avec de grands classiques comme Fénelon. On est perplexe aujourd’hui devant l’absence des philosophes des Lumières, à part une Vie de Charles XII de Voltaire qui est un ouvrage d’histoire. Étaient-ils accessibles aux normaliens dans la bibliothèque du collège ? Nous avons dit que c’était peu probable. Il semblerait plutôt que l’on s’en soit méfié, car, même si les élites intellectuelles de la Monarchie de Juillet n’auraient sans doute pas renié Montesquieu ou Condorcet, c’est bien en 1832 que Victor Hugo fait mourir Gavroche sur l’air de « c’est la faute à Voltaire… ». Enfin, il y a lieu de saluer la présence d’ouvrages étrangers, certes traduits, anglais, allemands ou américains. La répartition par discipline est présentée sur le graphique figure 7. Nous y reviendrons au cas par cas.
Par exemple, près d’un quart des ouvrages concerne la religion proprement dite ou la morale religieuse. Habitué à l’image éminemment laïque des écoles normales, notre regard contemporain ne peut qu’être surpris par la priorité accordée à ces enseignements. L’article 2 du règlement de 1829 institue que « la religion sera la base de l’enseignement ». Les élèves apprennent l’histoire sainte, le catéchisme du diocèse et la morale. Les horaires en sont finalement assez modestes mais les jours sont rythmés par les prières et les messes à la célébration desquelles les élèves participent activement, y compris dans leurs paroisses pendant les vacances. Pilier idéologique du régime politique, certes un peu moins sous Louis-Philippe que sous Charles X, la religion reste très présente après 1833 : une heure de morale religieuse à l’emploi du temps de 1836 tous les jeudis sans oublier les prières en début et fin de cours, le matin et le soir, les messes les jeudi et dimanche et les vêpres le dimanche. Mais, quantitativement et relativement aux autres disciplines, elle a perdu un peu de son importance de 1829. Le passage de l’enseignement du plain-chant, un art liturgique, à celui d’une pratique sociale universelle comme le chant n’est peut-être pas seulement anecdotique. En tout état de cause, à part une brève éclipse au moment de la deuxième République, la prépondérance de la religion persistera jusqu’aux lois Ferry et Goblet de 1882 et 1886[lxxiv] qui en prendront le contrepied, montrant bien à quel point la formation des enseignants du primaire est un enjeu politique majeur.
En 1829, « les autres objets d’étude seront la lecture, l’écriture, l’arithmétique, la grammaire française, les principales notions de l’histoire générale et de la géographie, un précis de l’histoire de France, le plain-chant[lxxv], le dessin linéaire et l’arpentage, la rédaction des actes relatifs à l’administration municipale et des notions d’agriculture ». Suite aux textes réglementaires de 1832 et 1833, la liste des disciplines profanes s’étoffe : Lecture, Écriture, Grammaire française, Arithmétique y compris le système légal des poids et mesures, Dessin linéaire, Éléments de géométrie et ses applications usuelles, le levé des plans, le toisé des surfaces et des sols, Mécanique, définition des machines les plus simples, Notions des sciences physiques et de l’histoire naturelle, applicables aux usages de la vie, Éléments de l’histoire et de la géographie, et surtout de l’histoire et de la géographie de la France, Chant, Gymnastique, Rédaction des actes de l’état-civil et des procès-verbaux, Greffe et taille des arbres, Méthodes d’enseignement et principes d’éducation[lxxvi].
La présence de la lecture, de l’écriture et de l’arithmétique semblent relever de l’évidence. Or, une certaine maîtrise de ces savoirs était requise au concours d’admission. S’agissait-il alors d’une sorte de perfectionnement, ou d’une approche de la didactique de ces disciplines, ou des deux en même temps ? La consultation du programme détaillé de 1836 fait pencher pour la première hypothèse. En dehors de la rubrique « Méthodes d’enseignement théoriques et pratiques. Principes d’éducation », ce programme n’évoque en effet « la manière de l’expliquer aux enfants » que pour le seul catéchisme[lxxvii]. Il mentionne en revanche des entrainements à toutes sortes d’écritures qui confineraient aujourd’hui à de la virtuosité[lxxviii].
L’enseignement du français tient la plus grande place. C’est en fait près d’une vingtaine d’heures par semaine qui est consacrée à la grammaire et à l’écriture, sous forme de cours ou de préparations. Une part importante (17%) des ouvrages commandés en 1832 et 1833 sert à cet enseignement, avec une part infime pour la littérature, si l’on exclut de ce champ les livres de morale.
L’histoire et la géographie, déjà traditionnellement associées, bénéficient d’un horaire significatif de cinq heures par semaine sur les deux ans. Les ouvrages commandés (12 et 6%) sont plus éclectiques que les programmes ne le laissent penser et s’ouvrent sur des pays étrangers et des époques variées, avec cependant une préférence pour l’histoire ancienne et religieuse. Les élèves disposent de cartes et d’atlas.
Les sciences, y compris les mathématiques, sont enseignées en deuxième année (cinq heures par semaine en tout). Comme l’on n’en sera pas surpris, leur étude est conçue en fonction des applications pratiques susceptibles d’être transmises par l’école primaire. Néanmoins, les titres de certains ouvrages et surtout la liste du matériel de physique commandé en 1833 chez Gaiffe à Nancy révèle d’autres ambitions. On y trouve des instruments et des machines propres à soutenir par l’expérience des enseignements tout-à-fait théoriques dans les domaines de la mécanique, de l’hydrostatique, de l’optique, et même de l’électricité qui reste à l’époque un domaine d’avant-garde scientifique (voir cette facture en fin de chapitre). Mais ce choix de tirer « vers le haut » la formation des instituteurs ne faisait pas l’unanimité. Le préfet Siméon, pourtant féru de sciences, s’étonnait de ce que l’on veuille dépenser 1300 F pour un tel matériel alors qu’il s’agissait « seulement » de former des instituteurs[lxxix].

La maison Gaiffe àNancy, fournisseur de l'Ecole normale (Arch. dép. Vosges, 2T1, cliché C. Euriat)


L’enseignement artistique est pratiquement inexistant si l’on comprend que le dessin linéaire a surtout un usage technique et que le plain-chant peut être rattaché à de l’enseignement religieux.
Que le système légal des poids et mesures, absent du programme local de 1829, soit expressément mentionné après 1832 constitue un très bon exemple de l’utilisation de l’école comme outil de normalisation administrative par l’État dès cette époque. Il est vrai que le système métrique peine à entrer dans les mœurs[lxxx]. Autre facette du rapprochement de l’État et de l’école, la Rédaction des actes de l’état-civil et des procès-verbaux fait l’objet de conférences de deux heures tous les jeudis. L’introduction de cet enseignement réglementaire auquel la bibliothèque consacre quatre titres marque une évolution symbolique des rôles : du maître d’école accessoiriste du curé vers l’instituteur secrétaire de mairie, ou, si l’on préfère, du servant de messe au serviteur de l’État.
En ce qui concerne l’agriculture, on sait que le perfectionnement de ses méthodes et de ses outils est alors une préoccupation majeure des pouvoirs publics qui multiplient les initiatives pédagogiques en direction des agriculteurs. Les instituteurs sont appelés à préparer les enfants des campagnes à intégrer les nouveautés techniques promues par des organisations comme la Société d’émulation des Vosges[lxxxi] et les Comices agricoles créés en 1834. Ils peuvent aussi conseiller directement les agriculteurs des villages où ils exercent. Nous ignorons pourquoi le programme de 1832 réduit la formation agricole à la greffe et à la taille des arbres. Il faudra cependant attendre 1837 pour voir la création d’un poste spécifique, aucun enseignement agricole ne figurant à l’emploi du temps de 1836. La bibliothèque compte toutefois au moins trois livres touchant à l’agriculture.
L’appui méthodologique est assez conséquent puisque l’on consacre cinq jours par semaine une étude d’1 heure 30 à travailler sur les notes prises dans la journée. Il est prévu également 7 heures 30 d’études sans objet particulier réparties sur le jeudi et le dimanche.
Enfin, on consacre cinq heures hebdomadaires en deuxième année à l’acquisition de méthodes pédagogiques pratiques, auxquelles s’ajoutent cinq heures de lectures édifiantes et de cours théoriques sur les principes d’éducation. On constate que la formation professionnelle est déjà bien présente, et cela même avant la passation des brevets, c’est-à-dire avant le recrutement définitif.

 

Conclusion : un outil politique

Si l’on devait tirer quelques conclusions de cette étude sur les premières années de l’école normale d’instituteurs de Mirecourt, on pourrait retenir les points suivants : la mise en place d’une institution efficace a pris quelques années, mais pas plus. Les tensions résultant de la multiplicité des intérêts initialement en jeu auraient pu déboucher sur des blocages irréversibles. Mais elles se sont résolues sans doute en raison de deux facteurs principaux qui sont, d’une part, la convergence de vue globale des différents acteurs, et d’autre part, la forte volonté politique de l’État qui a très vite compris l’importance des écoles normales dans le dispositif d’enseignement primaire qu’il souhaitait contrôler de bout en bout.
Il fallait instruire le peuple, pour des raisons économiques, bien sûr, mais aussi pour des motifs politiques et, pourquoi ne pas l’admettre dans certains cas, pour de sincères ambitions humanistes. En plus de son utilité économique, une des caractéristiques de cette instruction du peuple est qu’elle doit l’inciter à rester à sa place, tout en ménageant quelques possibilités de promotion destinées à éviter le désespoir qui conduit à la révolte. Les écoles normales constituent alors une pièce maitresse du dispositif. Le choix d’y former des instituteurs issus des milieux populaires en instaurant un système de bourses relativement généreux s’inscrit bien dans cette vision très hiérarchisée de la société. En un sens, on verrouille le dispositif en faisant instruire le peuple par les enfants du peuple. Mais en même temps, peut-être involontairement, on laisse entrer dans les classes populaires les savoirs qui pourront conduire à leur émancipation, en dépit d’un très gros effort d’encadrement idéologique et religieux, dont la lourdeur même a été finalement contreproductive. Les divergences de vue sur l’opportunité de l’accès aux connaissances scientifiques théoriques que nous avons rapidement évoquées sont assez significatives de la conscience des risques qu’un enseignement de haut niveau théorique comportait pour l’ordre social dans l’esprit des privilégiés de l’époque, dans les Vosges comme ailleurs. Il n’est sans doute pas excessif de penser que toute l’histoire de la formation des enseignants du primaire s’articule autour de cette problématique, jusqu’à aujourd’hui.


Notes



[i] Christian Nique, Comment l’École devint une affaire d’État (1815-1840), Paris, Nathan, 1990, 288 p.
[ii] On trouvera tous les éléments factuels sur l’histoire de l’école normale de Mirecourt dans l’ouvrage de Benjamin Lutringer, Monographie de l’École normale d’instituteurs des Vosges, publiée en 1928 à l’occasion du centenaire de cette école, dans Pierre Rothiot, 150 ans au service du peuple, Vittel, P. Rothiot, 1978, p.9-131.
[iii] Si l’on met à part deux écoles normales (une pour garçons et une pour filles) ouvertes à Paris en 1815 et 1817 à l’instigation de la Société pour l’instruction élémentaire. Il serait moins flatteur mais plus juste d’écrire « quatrième ex-aequo » dans la mesure où une dizaine d’autres écoles normales voient le jour cette même année à quelques mois près. On verra aussi que pour Mirecourt, 1829 conviendrait mieux que 1828, mais nous nous en tiendrons respectueusement à l’usage.
[iv] Où l’on réunirait « plusieurs classes sous un seul maître et plusieurs adjoints, afin de former un certain nombre de jeunes gens dans l'art d'enseigner ». Ordonnance du 29 février 1816, art. 39.
[v] Soit 1 en 1810, 2 en 1820/23, 11 en 1828/29, 34 en 1830/33. Plus 2 de 1815 à Paris (note ci-dessus), et 1 pour jeunes filles ouverte à Orléans par un pasteur protestant.
[vi] Christian Nique, op. cit. passim.
[vii] Ils ont alors contribué à répandre le mode d’enseignement « simultané » inventé dans leurs rangs dès le XVIe siècle.
[viii] Fondée en 1815, la Société pour l’instruction élémentaire regroupe initialement des partisans du mode d’enseignement mutuel (voir infra) sans coloration politique fortement marquée. L’augmentation des tensions entre les ultras et les libéraux la conduira à radicaliser ses positions dans le sens de ces derniers, jusqu’à incarner les valeurs d’un libéralisme nettement anticlérical.
[ix] Souvent perçu comme un libéral en raison de son opposition « doctrinaire » aux ultras sous Charles X, François Guizot appartient ensuite au courant de la Résistance, l’aile conservatrice des orléanistes sous Louis-Philippe. Il mettra en place les conditions du passage de l’école primaire sous la responsabilité effective de l’État.
[x] En 1828, Mgr Frayssinous, ministre de cultes et de l’Instruction publique de Villèle, garde les cultes mais perd l’Instruction sous Martignac. Il abandonne, ou feint d’abandonner, la revendication du monopole pour réclamer la liberté d’enseignement.
[xi] Et toute une batterie d’accessoires de communication sonore ou visuelle.
[xii] Les effectifs de l’école communale mutuelle augmentent régulièrement de 50 élèves en 1821 à 157 en 1833. Petitjean, Joseph-Auguste, Monographie sur Mirecourt, 1900, p. 473.
[xiii] H. Boulay de la Meurthe, Notice historique statistique et normale de l’instruction primaire dans l’arrondissement de Mirecourt, dans Bulletin de la Société pour l’instruction élémentaire, Tome V, année 1833, p. 248-277. Il existe un tiré à part allégé de ce texte : Notice historique, statistique et normale de l’instruction primaire dans l’arrondissement de Mirecourt, Paris, Dechourchaut, juillet 1833, 34 p. Cote Bibliothèque multimédia Epinal-Golbey : 256 LV 6.
[xiv] Bulletin de la Société pour l’instruction élémentaire, Tome VI, année 1834, p.179. La notion de mode « mixte » est parfois introduite. Il devient alors extrêmement difficile de se faire une idée claire de la réalité des pratiques d’enseignement et même du nombre d’écoles. Dans son rapport de 1833, Boulay de la Meurthe dénombre 19 écoles mutuelles et 20 écoles semi-mutuelles dans l’arrondissement de Mirecourt, moitié garçons, moitié mixtes, dont les effectifs vont de 215 en été et 160 en hiver (Mirecourt) à 30 en été et 10 en hiver (Harol ou Domvallier).
[xv] Et d’une ampleur toute relative : dans le Rapport au roi sur l’exécution de la loi de 1833 (enquête de Guizot en 1833), on compte en France 1905 écoles mutuelles, contre 22 113 simultanées sur un total de 33 695. (Source : INRP).
[xvi] Paul Lorain (1799-1861), professeur, administrateur, et surtout collaborateur longtemps méconnu de Guizot. On lira Christian Nique, Op. cit. p.175-230.
[xvii] L’or à Cerquand et l’argent à Perney. Journal de la société d’émulation, 1828, p. 16-20.
[xviii] On appelle ainsi parfois les écoles privées, sans qu’elles soient confessionnelles, avant que l’Église catholique ne confisque l’expression à son usage.
[xix] Depuis respectivement 1821, 1823, 1824. H. Boulay de la Meurthe, op. cit. p.273.
[xx] Bastien-Boulet, Bastien-Weiss, Chavane, Collard (de Martigny), Contal, Delpierre, Gaspard, Jacquot (ou Jacot), Laprévotte, Méhu, Me(a)ngin, Mergaut, Perney, Pougny, baron Puton, Rol, Simonin, et Zamaron. E.-P. Collard (de Martigny), Compte rendu des travaux de la Société d’instruction primaire de l’arrondissement de Mirecourt, éd. ladite Société…, Nancy, 1833, p.4. Une liste manuscrite du 19 septembre 1828 comporte en plus le duc de Choiseul, Arch. dép. Vosges 7T26.
[xxi] En 1828 préfet Nau de Champlouis et recteur Soulacroix, en 1832, même recteur (sur le départ) et préfet Siméon. Le premier préfet et le père du second sont membres de la Société de Paris, le préfet Siméon adhère à la Société de Mirecourt dès février 1831, avant la reconnaissance royale. Arch. dép. Vosges 7T26.
[xxii] Ibid. p.35-36.
[xxiii] Le fils de Louis-Philippe, et non pas ce dernier lui-même comme on a pu l’écrire.
[xxiv] Siméon et Nau de Champlouis, tous les deux orléanistes et libéraux notoires.
[xxv] Ce qui n’empêche pas Charton de situer sa fondation en 1828 dans son Annuaire des Vosges 1833. Ch. Charton, Annuaire statistique du département des Vosges, 1833. En fait, la reconnaissance royale permet les réunions de plus de 20 personnes et ouvre droit à des subventions publiques, notamment du Conseil général.
[xxvi] En 1831, 10 instituteurs (Dompaire, Ville-sur-Illon, Fresnoy, Totainville, Vaubexy, Vincey, Escles, Oelleville, Vittel, Lignéville), en 1832, 5 (Dompaire, Oelleville, Lignéville, Offroicourt, Vittel). Justificatifs de l’emploi de subventions (200 F) du Conseil général (13 juillet 1832 et 20 janvier 1833). Arch. dép. Vosges 7T26.
[xxvii] Charton fait mention de 35 instituteurs « placés » à l’école normale de Mirecourt, mais ne fait-il pas l’amalgame avec la classe modèle de Perney, qui reste bon an mal an l’école annexe avant la lettre de l’école normale. Op. cit.
[xxviii] Arch. dép. Vosges E dpt 309/1R13. Plusieurs courriers à la même cote sur ce sujet (pour tout le paragraphe).
[xxix] 28 élèves en 1825/26 : rhétorique : 0, 2nd : 7, 3: 0, 4e : 4, 5: 5, 6: 4, 7e : 8. Plus une classe de mathématiques de 11 élèves, mais ce sont en fait ceux de 2nd et de 4e qui reçoivent cet enseignement et qu’il ne faut donc pas compter deux fois. Arch. dép. Vosges E dpt 309/1R10.
[xxx] Lettre de Forfillier au préfet du 24/03/1830. Arch. dép. Vosges E dpt 309/1 R 10.
[xxxi] Registre de délibération du bureau d’admission du collège, 17/04/1829. Arch. dép. Vosges E dpt 309/1R10.
[xxxii] Ces « classes normales » dans un collège ou un lycée figuraient déjà dans le décret du 14 mars 1808.
[xxxiii] Op. cit. p.108.
[xxxiv] Mobilier du Collège et de l’École normale appartenant à la Ville. Inventaire du 14 août 1832, au départ du principal Fricotel. Arch. dép. Vosges, E dpt 309/1R13.
[xxxv] Mémoire du 25 décembre 1832. Arch. dép. Vosges, 2T1.
[xxxvi] État visé par le sous-préfet le 4 avril 1833 pour l’emploi d’une subvention du  ministre de l’Instruction publique de 2000 F en date du 17 décembre 1831. Arch. dép. Vosges, 2T1.
[xxxvii] Voir infra au paragraphe « Les enseignements ».
[xxxviii] Peut-on en conclure que les autres enseignements n’utilisaient pas de tableau ?
[xxxix] Inventaire des objets mobiliers attachés à l’Ecole normale et au Collège de la Ville de Mirecourt fait par M. Contal, Maire, M.M. Mangin, Simonin, George et Gaspard, membres du Conseil municipal et de la commission déléguée par lui, en présence de M. Forfillier, principal de ces deux établissements, le 20 juillet 1830. Arch. dép. Vosges, E dpt 309/1R13. Vingt ans après, le budget du collège 1856 (même réf. arch. dép.) fera état de mobilier usuel et scientifique appartenant « encore » (sic) au principal.
[xl] Les directeurs pendant la période couverte par cet article sont : Forfillier (1829/30), Fricotel (1830/32) et Henrion (1833/39).
[xli] Dont Lutringer souligne le mauvais caractère. Op. cit. p.33-35.
[xlii] Lutringer le trouve « cauteleux, besogneux et déloyal ». Ibid. p.34.
[xliii] Ibid. p.34.
[xliv] Ainsi qu’à un second l’année suivante pour presque les mêmes raisons. Ibid. p.35-37.
[xlv] Arch. dép. Vosges E dpt 309/1R10.
[xlvi] Approuvé par le ministre Vatimesnil (10 janvier 1829), ce règlement « pour la classe normale primaire qui doit être établie dans le collège de Mirecourt » est inspiré de celui de la Meuse (1823), à l’exception de ce qu’il ne prévoit pas de confier la direction à un ecclésiastique. Il n’y eut qu’un directeur ecclésiastique, l’abbé Thollon, un brave homme incompétent arrivé là grâce aux facilités de la loi Falloux et démis après quelques mois d’une gestion calamiteuse (1861). Arch. dép. Vosges E dpt 309/1R13 pour le règlement et Lutringer, op. cit. p.33 et 69 pour Thollon.
[xlvii] Soit 1646,25 F en 1829/30, plus 153,75 F d’ « indemnité » au directeur, en fait un remboursement sur la foi d’un courrier du directeur des travaux publics (18 juillet 1831). La somme de 1646,25 au lieu de 1800 (12 x 150) s’explique par les arrivées échelonnées des élèves (voir infra paragraphe « Les élèves »). Le montant de la bourse augmentera par la suite avec celui de la pension. Arch. dép. Vosges 2T1.
[xlviii] La composition exacte des nombreuses Commissions scolaires en place à cette époque fait souvent l’objet de légères variations réglementaires.
[xlix] Pour les villes, dont Mirecourt, par le roi, ailleurs, par le préfet.
[l] En vertu du Concordat de 1801.
[li] Plusieurs courriers de 1830 à 1832. Arch. dép. Vosges 2T1.
[lii] Lettre du préfet Siméon au sous-préfet, décembre 1834. Arch. dép. Vosges 2T1. A noter que cela n’exclut pas les conflits entre le préfet et le recteur.
[liii] Arch. dép. Vosges 2T1.
[liv] Sans date mais à situer en 1833 par recoupement des périodes de fonction des signataires. Arch. dép. Vosges Edpt 309/1R13.
[lv] En fait des demi-boursiers. Lutringer, qui donne la liste, parle un peu abusivement de « promotion 1828/1829 ». Op. cit. p.29-30.
[lvi] Ibid. De son côté, Petitjean s’avoue mal renseigné et fournit un effectif erroné (6) inférieur à celui-là même des boursiers. Petitjean, op. cit. p.599.
[lvii] A partir de 1833, l’internat devient la règle. Mais on trouve encore deux externes dans cette liste de 1834.
[lviii] L’objet de la classe normale est de « former les instituteurs du département des Vosges », art. 1er du règlement. L’art. 5 prévoit néanmoins l’accueil, à leurs frais, d’élèves « étrangers au département ».
[lix] Nous regrettons de ne pas avoir réussi à élucider ce point.
[lx] Lettre de Forfillier au préfet du 31 mars 1829, citée par Lutringer, op. cit. p. 29.
[lxi] L’ordonnance du 29 février 1816 rend obligatoire le brevet de capacité pour les instituteurs. Elle définit trois degrés : « Le troisième degré, ou degré inférieur, sera accordé à ceux qui savent suffisamment lire, écrire et chiffrer pour en donner des leçons. Le deuxième degré, à ceux qui possèdent bien l'orthographe, la calligraphie et le calcul, et qui sont en état de donner un enseignement simultané, analogue à celui des frères des écoles chrétiennes. Le premier degré, ou supérieur, à ceux qui possèdent par principes la grammaire française et l'arithmétique, et sont en état de donner des notions de géographie, d'arpentage et des autres connaissances utiles dans l'enseignement primaire. » (art. 11). La loi Guizot du 28 juin 1833 supprime le troisième degré et garde un brevet élémentaire pour l’instruction primaire élémentaire et un brevet supérieur pour l’instruction primaire supérieure (art. 25).
[lxii] Articles 12, 13 et 14.
[lxiii] Comme le regrette le directeur dans un courrier au préfet du 23 juin 1834. Arch. dép. Vosges, 2T1.
[lxiv] Il peut être amené à embaucher du personnel ou à engager des frais sur ses deniers propres.
[lxv] État des fonctionnaires employés au 20 septembre 1834. Arch. dép. Vosges, 2T1. Rappelons que la pension d’un élève, ou la bourse complète, se monte à 300 F par an. Un bordereau de la commission adressé au conseil général sur papier à en tête de l’académie du 3 août 1833 fait état de sommes égales ou légèrement inférieures. Elles restent comparables sur le budget 1836.
[lxvi] En 1832, c’est Lhôte, membre de la commission de surveillance et ancien directeur d’école qui assure le cours de méthode, ainsi que de la « formation continue » avant la lettre à 40 instituteurs pendant les vacances. Lutringer, op. cit. p.35.
[lxvii] Nommé en 1837.
[lxviii] Budget 1834. Arch. dép. Vosges, 2T1.
[lxix] Des détails sur l’organisation d’une journée de travail sont disponibles chez Lutringer, op. cit. p.39-41.
[lxx] Pour 579 F de livres et 1300 F de matériel. Voir ces factures en fin d’article. Arch. dép. Vosges 2T1.
[lxxi] Nous entendons par là les ouvrages sur l’éducation, la pédagogie, la déontologie, etc.
[lxxii] Jacques Matter (1791-1869), collaborateur direct de Guizot et auteur chez Hachette.
[lxxiii] Pauline Guizot (1773-1827), épouse de François, auteure de nombreux ouvrages sur l’éducation dont L'Education domestique ou Lettres de famille sur l'éducation (1826) que Sainte-Beuve plaçait juste en dessous de L’Émile.
[lxxiv] Si la laïcisation de l’école primaire publique date de la loi Ferry du 28 mars 1882, la laïcisation de ses personnels relève de la loi Goblet du 30 octobre 1886. A noter que les budgets normalisés (1836) prévoient deux lignes d’instruction religieuse, une catholique et une protestante. A Mirecourt, seule la première est renseignée.
[lxxv] C’est-à-dire, en pratique, le chant liturgique.
[lxxvi] Enseignements faisant l’objet d’une rémunération au budget 1836. Arch. dép. Vosges 2T1.
[lxxvii] Lutringer, op. cit. p. 39-41, d’où nous tirons également les indications sur les horaires.
[lxxviii] Le lecteur aura bien sûr fait le lien avec la rédaction des actes d’état-civil.
[lxxix] Dans une lettre au sous-préfet du 28 mars 1832. Arch. dép. Vosges 2T2.
[lxxx] Instauré en principe par la loi du18 germinal an III, mis à mal sous l’Empire (décret du 12 février 1812) et sous la Restauration (arrêté du 21 février 1816), le système métrique est vigoureusement promu par la Monarchie de juillet qui impose l’utilisation des unités définies en germinal an III sous peine de sanctions (loi du 4 juillet 1837).
[lxxxi] Henriot, Fabrice, « La Société d’émulation des Vosges et la modernisation agricole », dans Pays de Châtenois, la ruralité dans la plaine des Vosges, Actes des journées d’études vosgiennes 2006, Épinal, Société d’émulation des Vosges, 2006.







 Annexes

 
Facture de C.A. George-Grimblot, libraire à Nancy, à M. Fricotelle (sic) à Mirecourt de novembre 1832 - (Montant : 440 F) - Arch. dép. Vosges 2T1 – Les mentions en italique sont de notre main.
Titre – Auteur (s’il est connu)
Contenu
Date
Atlas élémentaire, géographique, historique, de Lesage (Lesage)
Géographie
1799, 1810, 14, 22
Abrégé d’histoire ancienne, par Royou (Jacques Corentin Royou)
Histoire ancienne
1802
Atlas de la France, 36 cartes, à 10 F
Géographie

Cours de dessin linéaire de Lamotte (Lamotte)
Dessin
> 1800
Calligraphie
Ecriture

Cours élémentaire d’agriculture
Agriculture

Cours normal de l’instituteur primaire (Gérando)
Professionnel
> 1800
Contes aux enfants du peuple (Alphonse Viollet)
Morale
1830
Dictionnaire d’éducation et de morale, par Capelle
Morale
1824
Dictionnaire du cultivateur
Agriculture
< 1800
Dictionnaire des origines, etc. (Fr. Noël et M. Carpentier)
Techniques
1827
Dictionnaire des ménages (Havet)
Eco. domestique
1822
Découverte de l’Amérique par Robertson (William Robertson)
Histoire
1777
Dictionnaire de la fable, par Noël (François Noël)
Mythologie
1810
Exercice de la langue française, par Lemarre (Lemare)
Français
1819
Eléments de rhétorique
Français

Explication morale des proverbes populaires (Basset)
Morale
1826
Ecrits populaires de Franklin (Benjamin Franklin)
Morale
1732-1758
Entretiens sur la pluralité des mondes (Fontenelle)
Philosophie
1686
Éraste, ou l’ami de la jeunesse (Filassier)
Encyclopédique
1773
Guide du jeune instituteur (Célestin David ?)
Professionnel

Grammaire des grammaires
Français

Géométrie appliquée à l’industrie par Bergery (Claude-Lucien Bergery)
Géométrie
1828
Grandeur de Dieu dans les merveilles de la nature (Paul-Alexandre Dulard)
Religion
1749
Histoire de Charles XII (Voltaire)
Histoire
1731
Histoire des empereurs (romains) par Royou (Jacques Corentin Royou)
Histoire
1808
Histoire de Stanislas, roi de Pologne (Abbé Proyard)
Histoire
1784
Histoire de la Bible, par Royaumont (Sieur de Royaumont (pseudo))
Religion
1670
Histoire de Charles Quint par Robertson (William Robertson)
Histoire
1769
Histoire naturelle par Lafosse
Sciences nat.
1831
Imitation de Jésus Christ
Religion
M-A
Joseph, poème (de la Bible)
Religion - Morale
Bible
Lettres de famille, par M. Guizot (L’éducation domestique ou… Pauline Guizot)
Morale
1826
Les huit codes français
Droit

Le peuple instruit par sa propre vertu (Laurent-Pierre Bérenger)
Morale
1787
Lectures d’un père à son fils (sans nom d’auteur)
Morale
1828
Le poème de la religion (Louis Racine)
Religion
1742
Manuel des verbes irréguliers français
Français

Manuel de gymnastique
Gymnastique

Manuel de chimie
Chimie

Manuel pour la construction des cartes géographiques
Géographie

Médecine et chirurgie du pauvre (Nicolas Alexandre)
Médecine
1714 (réed.)
Manuel du jardinier
Technique
Contemporain
Manuel de physique amusante
Physique
Contemporain
Manuel d’algèbre
Mathématiques
Contemporain
Manuel de géométrie
Géométrie
Contemporain
Manuel d’astronomie
Astronomie
Contemporain
Manuel d’applications mathématiques
Mathématiques
Contemporain
Manuel de botanique
Botanique
Contemporain
Manuel de l’instituteur primaire (Matter (le plus probable))
Professionnel
Contemporain
Manuel des officiers municipaux (Nicolas Jean-Baptiste Boyard)
Para-professionnel
Contemporain
Manuel de minéralogie
Minéralogie
Contemporain
Manuel des poids et mesures
Législation
Contemporain
Manuel du relieur
Technique
Contemporain
Manuel du vétérinaire
Agriculture
Contemporain
Maître Pierre (Moeder, Penot, Brard –ingénieur, vulgarisation technique pour les enfants)
Sc. et techniques
1830
Morceaux choisis de Fleury (Abbé Fleury, choisis par abbé Rolland)
Morale
Fin XVII début XVIII
Physique de Pouillet (Claude Pouillet)
Physique
1827
Paraboles de Krummacker (Krummacker)
Religion

Précis de l’histoire ancienne
Histoire ancienne

Le petit producteur
Technique

Théâtre de Jean Racine 5v., Théâtre de [illisible]
Littérature
XVII
Résumé de l’histoire des croisades (de Saint-Maurice)
Histoire
1820/30
Résumé de l’histoire de la Chine (Senancourt) et de la Suisse (Chasles)
Histoire
1825, 1824
Dictionnaire biographique de Beauvais
Histoire

Histoire d’Angleterre de Goldshmit
Histoire
1825

Avec visas du Recteur (Caumont) et du sous-préfet (Collard)

Facture de C.A. George-Grimblot, libraire à Nancy, à l’Ecole normale de Mirecourt, du 23 janvier 1833 - (Montant : 39 F) - Arch. dép. Vosges 2T1 – Les mentions en italique sont de notre main.
Titre – Auteur (s’il est connu)
Contenu
Date
Ecole des mœurs (Abbé Blanchard)
Morale
1775
Morale en action (Laurent Pierre Bérenger)
Morale
1787
Morceaux choisis de Fléchier (Fléchier)
Morale
XVII (reéd. 1824)
Morceaux choisis de Fénélon
Morale
XVII
Modèles de dessin
Dessin

Avec visas du recteur (Caumont) et du sous-préfet (Collard)

Facture de C.A. George-Grimblot, libraire à Nancy, à l’Ecole normale de Mirecourt, du 13 mars 1833 - (Montant : 119,29 – remise 10% = 100,19 F) - Arch. dép. Vosges 2T1 – Les mentions en italique sont de notre main.
Auteur - Titre
Contenu
Date
Balbi, Abrégé de géographie universelle (Adriano Balbi)
Géographie
Vers 1825
Essai sur la construction des écoles primaires
Professionnel
Contemporain
Matter, L’instituteur primaire (Clément Matter)
Professionnel
Contemporain
Matter, Le visiteur des écoles (Clément Matter)
Professionnel
Contemporain
Gaultier, Méthode pour faire des abrégés (Abbé Gaultier (Aloïsius Édouard Camille))
Français
Vers 1800
Naville, De l’éducation publique
Education
1832
Verdet, Cahier d’écriture
Français
Contemporain
Basset, Enseignement et direction des écoles primaires d’adultes
Professionnel
1828
Campe (1746-1818), Le nouveau Robinson (traduit de l’allemand)
Morale (enfants)
1785
Phillipon, La Madeleine. Manuel épistolaire
Français
1804 (une éd.)
Léopold, Formulaire des actes sous seing privé
Droit
1802 (rééd.)
Le voleur grammatical (Ch. Martin)
Français
1833 (2ème éd.)
Lequien, Traité de la ponctuation
Français
1826
Lamotte, Traité d’arpentage et de levée de plans
Arpentage
1831
Dubroca, L’art de lire à haute voix
Français
1824 (une éd.)
Gauthier, Méthode pour exercer les jeunes gens
Français
1811
Noël, Dictionnaire de la fable (2 gros vol)
Mythologie
1810
Choron, Méthode de plain-chant (Alexandre Choron)
Musique
1811 (une éd.)
Locke, Traité de l’éducation des enfants
Education
1693
Fénelon, Traité de l’éducation des filles
Education
1687
Essai sur les principes d’éducation
Education

Meissas et Michelot, Nouvelle géographie méthodique
Géographie
1827
Wailly, Vocabulaire français
Français
1801 (rééd)
De Sacy, Grammaire française
Français
1799
Gauthier, Géographie
Géographie
Vers 1800
Lacombe, Modèle d’écriture
Français

Avec visa du sous-préfet (Collard) (sans visa du recteur)

Facture d’instruments de physique fournis à l’École normale primaire de Mirecourt, par Gaiffe-Werner, mécanicien à Nancy, du 28 décembre 1832 - (Montant : 1300 F) - Arch. dép. Vosges 2T1
Prix
Instrument
12
Un appareil de leviers avec poids et poulies en cuivre, bois et cuivre
25
Système de poulies et de moufles, en cuivre et monture en fer
12
Petit modèle de cric, en cuivre, fer, bois pour la monture
40
Une balance à deux [?] disposée pour servir aux expériences hydrostatiques avec les agrès et poids nécessaires
12
Une balance de Nicholson en cuivre
10
Trois aréomètres en verre, bien divisés, et leurs éprouvettes
40
Un petit modèle de pompe aspirante, corps en cristal et monture en bois
25
Un baromètre à cuvette, planche en noyer vernis, divisions sur cuivre argenté
10
Un second adapté à une cloche
15
Un ballon de 9 à 10 pouces, à peser l’air, avec robinet
250
Une machine pneumatique à deux corps de pompe avec engrenage, soupapes métalliques, sur une table avec les agraffes (sic) et les éprouvettes
25
Hémisphères de Magdebourg de 5 pouces
5
Un crève-vessie
6
Quatre syphons (sic) en verre et le syphon à [?]
40
Une fontaine de compression avec sa pompe foulante
8
Passe-vin et tâte-vin
9
Deux thermomètres au mercure dont un sur une planche en cuivre, division en centigrade et Réaumur, et l’autre isolé pour les fluides acidulés
30
Pyromètre à trois tiges, fer, cuivre et acier, avec aiguille indiquant les dilatations, cuvette à alcool pour l’échauffement
40
Deux réflecteurs paraboliques sur pieds en bois, avec leurs agrès
20
Un éolipile à manche, un autre à recul sur un petit chariot en cuivre
200
Une machine électrique, à plateau de 28 à 30 à deux conducteurs, sur une table en noyer verni
15
Un excitateur en cuivre à manches de verre et à charnière
5
Un vase à enflammer l’éther
15
Carillon électrique à 4 timbres
12
Deux bouteilles de Leyde
25
Une batterie de 4 boccaux (sic) dans leur caisse, pouvant servir à la fois et séparément
10
Deux conducteurs détachés, (6 [?] en fer blanc)
15
Electromètre à paille de Volta
20
Electrophore à chapeau en cuivre de 7 pouces de diamètre avec fouet
10
Deux pistolets de Volta en cuivre
24
Pile galvanique en colonne de 60 couples
2
Tige en cuivre terminée en boule et pointe
20
Deux barreaux aimantés d’un pied dans leur boîte
15
Un prisme pour la décomposition de la lumière monté sur une charnière en cuivre
15
Une lentille de 4 à 8 pouces montée id.
15
Un miroir concave en [?] monté id.
10
Une longue vue à 4 verres
8
Biloupe et loupe pour petits objets
25
Petit microscope compensé, commun
20
Maisonnette de Franklin avec paratonnerre et pistolet de Volta
12
Eudiomètre de Volta simple
87
Douze compas à 4 pièces, porte-crayon, tire-ligne, pointes de rallonge, à 6 francs pièce, plus douze tire-ligne à manche à 1,25
15
Un compas de réduction
20
4 échelles de proportion en cuivre


1249

51
En plus pour frais de voyage, emballage et transports
1300

Avec visas du recteur (Caumont) et du sous-préfet (Collard)



Sources principales

Lutringer, Benjamin, L’école normale du département des Vosges, 1828 à 1928, 1828, in Rothiot, Pierre, 150 ans au service du peuple, éd. P. Rothiot, Vittel, 1978.
Collard de Martigny, Compte rendu des travaux de la Société d’instruction primaire de Mirecourt, éd. ladite Société, Nancy, 1833.
Boulay de la Meurthe, Notice historique statistique et normale de l’instruction primaire dans l’arrondissement de Mirecourt, dans Bulletin de la Société pour l’instruction élémentaire, Tome V, année 1833, p. 248-277.
Petitjean, Joseph-Auguste, Monographie sur Mirecourt, 1900, édité en DVD par l’association des Amis du vieux Mirecourt-Regain, 2012.
Nique, Christian, Comment l’École devint une affaire d’État, (1815-1840), Paris, Nathan, 1990, 288 p.
Archives départementales des Vosges (voir les cotes en notes)


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